C’est en avril 2018 que Mazor X, un robot destiné à la chirurgie spinale, a fait son entrée au sein du bloc opératoire de la clinique de La Source. «Il se présente sous la forme d’un bras robotisé, qui nous aide à définir la trajectoire idéale pour la pose délicate d’implants sur la colonne vertébrale, explique le neurochirurgien Duccio Boscherini. Couplée à l’imagerie tridimensionnelle, qui réduit notre besoin de voir à l’intérieur du corps, cette technologie nous permet d’effectuer un geste plus précis, moins invasif, et donc moins traumatisant pour le patient, que lorsque nous procédions à main libre.»
Très enthousiaste et confiant quant au potentiel clinique de Mazor X, ce spécialiste de la chirurgie spinale en suit le développement depuis plusieurs années. «En 2016, son arrivée sur le marché est déjà évoquée lors de congrès, se souvient-t-il. Je me suis rendu à plusieurs reprises aux Etats-Unis et en Israël, où se trouve la société qui le fabrique, pour le dé- couvrir et le tester d’abord sur cadavre, puis en situation réelle.» C’est ainsi que Duccio Boscherini est devenu le porteur du projet au sein de La Source.
Nouveaux protocoles opératoires
A Lausanne, les ingénieurs biomédicaux de la clinique, en accord avec la direction et l’équipe du bloc opératoire, ont dû dans un premier temps s’assurer qu’un tel investissement en termes de temps et d’argent (700’000 francs pour la machine uniquement) représenterait un intérêt incontestable au niveau des résultats cliniques et des performances (vitesse, sécurité, etc).
Dès la décision de l’achat, une organisation méticuleuse s’est mise en place pour préparer l’arrivée de Mazor X. «Le robot a été conçu pour s’adapter aux pratiques opératoires américaines, différentes de celles en vigueur en Europe, note Emmanuel Grosjean, chef du Service biomédical & achats de La Source. Comme nous sommes le premier hôpital européen à l’utiliser, nous avons dû mettre en place de nouveaux protocoles.» De l’emplacement des divers spécialistes autour de la table au temps de préparation du patient, diverses étapes du déroulement si précis des interventions ont dû être revues.
Une interface de communication a également été créée pour permettre à l’ensemble des spécialistes de collaborer. Des aménagements matériels ont aussi eu lieu. «Nous avons installé une table opératoire sur laquelle le bras robotisé a pu être fixé», précise l’ingénieur biomédical.
Former les équipes
Autre étape clé de l’intégration d’une nouvelle technologie: la formation du personnel. «Outre le chirurgien, une équipe restreinte (deux instrumentistes et trois aides de salles) a initialement été formée chez le distributeur du robot, Medtronic à Tolochenaz, précise Sylvie Lequin, infirmière chef de coordination du bloc opératoire. L’apprentissage s’est poursuivi au sein de nos locaux. Nous avons organisé une grande répétition générale, qui a réuni l’ensemble des acteurs, sauf le patient.»
Lors des vingt premières interventions, un technicien spécialisé était présent au bloc pour seconder les équipes. Car la première opération, qui a eu lieu en mai 2018, n’a pas marqué la fin du processus d’intégration. «L’appropriation d’une technologie si sophistiquée requiert du temps, remarque Duccio Boscherini. Après chaque intervention, des séances de débriefing réunissant les équipes de la clinique, mais aussi le fournisseur, ont été nécessaires pour progresser dans la maîtrise du robot.» «Ces moments d’échanges permettent de trouver collectivement des réponses aux questions qui surviennent en cours d’usage», ajoute Emmanuel Grosjean.
Rigueur et engagement
Une planification méticuleuse a permis d’organiser les préparatifs (formations, ré nions, etc.) sur plusieurs mois. «Parallèlement au projet Mazor X, la vie de la clinique se poursuit, rappelle Emmanuel Grosjean. Il faut donc faire preuve de rigueur pour réussir à intégrer toutes ces actions au fonctionnement quotidien de l’hôpital.» Rigueur et formation pratique ne suffisent pas à une mise en route réussie, estime le neuro-chirurgien Duccio Boscherini. «L’investissement, l’enthousiasme et la curiosité des personnes impliquées sont essentiels. Il faut accepter de se remettre en question et réapprendre de nouveaux gestes alors même que l’on pratique une profession depuis des années. Au final, tout le monde gagne en expertise. Et c’est extrêmement gratifiant.»